28 Juil Tous espionnés : une loi vient de transformer Manuel Valls en Big Brother !
Communiqué de presse
La loi sur le renseignement vient d’être publiée au Journal Officiel. Le Conseil constitutionnel lui a en effet donné son feu vert en la déclarant conforme à la Constitution dans sa décision n°713 du 23 juillet 2015.
Cette loi est extrêmement inquiétante pour le respect des libertés publiques et de la vie privée. Elle permet en effet au Premier ministre d’autoriser librement toutes sortes de « recueil de renseignement », autrement dit de soumettre la population à un espionnage généralisé. Elle transforme ainsi Manuel Valls en Big Brother, ce chef allégorique de la police de la pensée d’un régime totalitaire que George Orwell a mis en scène dans son célèbre roman « 1984 ».
Les motifs pour lesquels le Premier ministre pourra autoriser l’espionnage sont en effet très divers. Certains sont certes acceptables, comme la protection de « la défense nationale », la « prévention du terrorisme », ou encore la « prévention de la prolifération des armes de destruction massive ». Mais d’autres sont beaucoup trop flous, comme la « prévention de la criminalité et de la délinquance organisées », la protection des « intérêts majeurs de la politique étrangère » et des « intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France », ou encore la « prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions ». Ce dernier motif risque par exemple d’être interprété comme permettant la surveillance des membres du Front National, puisque d’après Manuel Valls il s’agit d’un parti qui menace la République. Cette pluralité de motifs vagues prouve en tout cas que l’objectif de la loi est de surveiller la population et non pas simplement de lutter contre le terrorisme.
Beaucoup d’abus sont à craindre, d’autant plus que les garanties procédurales sont largement illusoires. Tout repose pour l’essentiel sur la création d’une nouvelle commission, la « commission nationale de contrôle des techniques de renseignement » composée de quatre magistrats, de quatre parlementaires et d’une personnalité qualifiée. En principe, cette commission devra donner son avis avant toute autorisation d’espionnage; mais il ne s’agira que d’un avis consultatif, que le Premier ministre sera libre de ne pas respecter. D’autre part, cet avis ne sera plus nécessaire en cas d' »urgence absolue ». Certes, la commission pourra toujours saisir le Conseil d’Etat si elle décèle un abus; mais la haute juridiction interviendra toujours trop tard, après que l’abus ait commencé.
Le Conseil constitutionnel a censuré deux séries de dispositions qui auraient encore aggravé les choses : l’une qui aurait permis aux services de renseignement, en cas d' »urgence opérationnelle » tenant notamment à une « menace imminente », de se passer d’autorisation du Premier ministre; l’autre qui leur aurait permis, pratiquement sans garanties, d’effectuer « la surveillance des communications émises ou reçues à l’étranger ». On se demande comment un Parlement démocratique a pu démissionner à ce point.
Même amputée de ces deux dispositions liberticides, la loi reste effrayante. Elle permet notamment d’espionner les communications électroniques et téléphoniques, et même l’intérieur des véhicules et des domiciles. Les données interceptées peuvent être conservées de trente jours à six ans selon leur nature. Toutes les catégories de la population sont potentiellement concernées, même les parlementaires et les magistrats (malgré la séparation des pouvoirs), les avocats (au mépris du principe de confidentialité de leurs échanges avec leurs clients), et les journalistes (au mépris du secret de leurs sources). Tout au plus ces quatre catégories de personnes échappent-elles à la procédure d' »urgence absolue ».
Deux techniques d’espionnage de masse particulièrement liberticides sont même autorisées par la loi : la « boîte noire », c’est-à-dire l’algorithme qui permet d’espionner les communications par mots-clés; et l' »imsi-catcher », c’est-à-dire la mallette permettant d’intercepter toutes les communications dans un périmètre autour d’elle.
La réalité rejoint donc la fiction. « Big Brother vous regarde » écrivait George Orwell. Avec la publication au J.O. de la loi sur le renseignement, c’est désormais Manuel Valls qui vous regarde !
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