30 Mar Mourir par circulaire en France.
Face à la pandémie de coronavirus, beaucoup de services de réanimation arrivent à saturation en France. Quand c’est possible, les patients sont transférés d’une région à l’autre, voire dans les Etats comme l’Allemagne qui ont plus de capacités d’accueil que nous.
Mais quand aucune de ces solutions n’est possible, un document d’apparence anodine fixe la marche à suivre. Signé par six « experts » inconnus du grand public, dont aucun élu politique, il émane de l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France et s’intitule « Décision d’admission des patients en unités de réanimation et unités de soins critiques dans un contexte d’épidémie à Covid-19 ».
Juridiquement, il s’agit d’une simple circulaire, c’est-à-dire d’un texte qui se borne théoriquement à expliciter le droit existant, et qui se situe tout en bas de la hiérarchie des normes, au-dessous des règlements et a fortiori des lois.
Le problème, c’est qu’il donne en réalité des consignes aux médecins hospitaliers pour « prioriser » les patients, c’est-à-dire pour choisir entre ceux qui accéderont aux services de réanimation, et qui auront donc des chances sérieuses de guérir, et ceux qui n’y accéderont pas, et qu’on laissera donc mourir tout en leur procurant des « soins palliatifs » afin de leur « assurer un confort de fin de vie » (sic).
Il pose donc des critères permettant de les répartir dans l’une ou l’autre de ces deux catégories, parmi lesquels « l’âge » (au détriment des plus vieux) et « la fragilité évaluée par l’échelle CFS », échelle classant les patients en neuf catégories, des plus « en forme » (catégories 1 et 2) à ceux qui sont « en phase terminale » (catégorie 9), en passant par les « sévèrement » et « très sévèrement fragiles » (catégories 7 et 8). Le document fait en outre référence, apparemment pour classer les patients dans telle ou telle catégorie, à un « algorithme » dont l’existence est ainsi révélée de façon sybilline au détour d’une phrase.
Même s’il n’est pas juridiquement contraignant, ce document est très probablement appliqué par certains médecins hospitaliers. Pour le commun des mortels, il est choquant d’en être réduit à voir sa survie dépendre d’un texte aussi confidentiel.
Mourir par circulaire n’est pas acceptable. Dans une démocratie, les questions de vie et de mort devraient être abordées au grand jour par la représentation nationale sous le contrôle du peuple, au lieu d’être traitées en catimini par six inconnus.
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