03 Nov L’indépendance et la liberté d’expression des universitaires en danger !
Le gouvernement ne tarit pas d’éloges sur son projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Il s’agit pourtant d’un texte très critiquable.
Certes, il contient quelques bonnes idées, comme la création de contrats postdoctoraux qui permettraient d’assurer mieux qu’aujourd’hui la transition professionnelle des docteurs vers des postes pérennes de la recherche publique ou privée.
Il promet aussi de rattraper le retard dramatique qu’a pris la France sur ses principaux concurrents en matière de financement de la recherche. C’est ainsi qu’il prévoit d’injecter 25 milliards d’euros en 10 ans au profit des universités et des organismes de recherche. Cet effort doit toutefois être relativisé car les débats parlementaires ont révélé qu’en euros constants ce ne sont que 7,2 milliards d’euros supplémentaires qui seront réellement attribués.
Mais le projet de loi présente hélas des aspects beaucoup plus sombres. C’est ainsi qu’il menace l’indépendance des enseignants-chercheurs en créant une nouvelle voie de recrutement des professeurs totalement dérogatoire au système actuel qui exige le feu vert d’une instance nationale indépendante, qu’il s’agisse du Conseil National des Universités (CNU) ou d’un jury de concours d’agrégation. Des « chaires de professeurs junior » seraient en effet instituées pour 25% des postes, permettant à chaque université de recruter librement des docteurs contractuels pour une durée de 3 à 6 ans, à l’issue de laquelle ils pourraient être titularisés par leur université. Le caractère national du recrutement serait donc abandonné.
Pour faire bonne mesure, le Sénat a voté un amendement, déposé par le groupe LR, pour permettre aussi de « déroger à la nécessité d’une qualification » par le CNU pour une partie (indéterminée) des postes restants !
Cette remise en cause de l’indépendance des universitaires est d’autant plus grave qu’elle s’accompagne d’une tentative de limiter leur liberté d’expression. Un autre amendement du Sénat s’en prend en effet à leur « entière liberté d’expression », consacrée par l’article L952-2 du code de l’éducation (ainsi que par un principe à valeur constitutionnelle dégagé dès 1984 par le Conseil constitutionnel), en y insérant cette phrase : « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République ». Si ces « valeurs » devaient être définies par le pouvoir en place, elles seraient un formidable outil de censure des universitaires les plus courageux !
Certes, rien n’est encore définitivement perdu car le monde universitaire se mobilise contre ces funestes nouveautés. Gageons toutefois qu’il aura du mal à ramener ce gouvernement-là à la raison…
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