23 Sep La démocratie illibérale selon Viktor Orban.
Le Premier ministre de Hongrie, Viktor Orban, a publié le 21 septembre 2020 un document intitulé « Ensemble, nous réussirons à nouveau » dans lequel il entreprend d’expliquer sa doctrine politique, dans la perspective des élections législatives hongroises de 2022.
Sa doctrine est connue sous le nom de « démocratie illibérale », expression dont il revendique la paternité avec une certaine fierté. Il est utile d’en connaître la teneur, dans la mesure où il s’agit de la pensée d’un dirigeant nationaliste qui pourrait devenir notre allié le jour où le Rassemblement national parviendra au pouvoir.
Par moments, le texte d’Orban est très proche des analyses du RN. Il explique par exemple que « la plus grande menace qui pèse aujourd’hui sur l’autodétermination nationale est le réseau qui promeut une société mondiale ouverte et qui cherche à abolir les cadres nationaux ». Il dénonce particulièrement ceux qui, à l’instar du milliardaire George Soros, veulent « créer des sociétés d’ethnies mixtes grâce à l’accélération des migrations, démanteler le processus décisionnel national et le confier à l’élite mondiale ». Ainsi formulé, ce passage rejoint incontestablement la pensée du RN.
Mais Orban s’éloigne de nous quand il précise sa doctrine. Pour lui, les mondialistes sont forcément des « libéraux », et les nationalistes des « conservateurs ». Si bien qu’à ses yeux, la division politique fondamentale oppose « le libéralisme et le conservatisme (qui) représentent deux positions irréconciliables ». On comprend dès lors pourquoi il revendique le terme de « démocratie illibérale » : c’est parce qu’il pense qu’existent deux types de démocratie, la démocratie conservatrice ou « illibérale », qu’il assimile à la « démocratie chrétienne », s’opposant à la « démocratie libérale ».
C’est là que le bât blesse à double titre. D’une part, Orban a une vision trop réductrice du libéralisme. Pour lui, les libéraux veulent forcément « céder les pouvoirs de nos gouvernements nationaux aux organisations internationales » au nom de leurs « idéaux universels », et laisser la submersion migratoire opérer « la réalité du remplacement sûr, lent mais accéléré de la population ». Or le libéralisme est une doctrine plus complexe que ne le prétend Orban. Il se divise en plusieurs courants dont un seul – l’ultra-libéralisme – correspond à sa description. Mais d’autres courants ne méritent pas cette opprobre, parmi lesquels figure par exemple le libéralisme politique hérité des Lumières, qui s’est construit contre l’absolutisme pour promouvoir le pluralisme et protéger les libertés individuelles. Cette branche-là du libéralisme, qui a notamment donné naissance à la Déclaration de 1789 et inspiré l’œuvre émancipatrice de la Troisième République, fait partie de l’héritage politique du RN.
D’autre part, Orban a une vision trop étriquée du nationalisme, qu’il assimile à un conservatisme rigide. Pour lui, « les pierres angulaires de l’ordre politique » sont « les valeurs qui sont au cœur de l’héritage démocratique chrétien conservateur, telles que la nation, la famille et la tradition religieuse ». Il va jusqu’à écrire qu’il faut « remplacer la séparation (de l’Église et de l’État) par l’intégration de la religion dans la vie de la société ». Cette négation de la laïcité est évidemment impossible à admettre pour le RN. Notre objectif est de rassembler tous les Français qui souhaitent restaurer la souveraineté et la grandeur de la France, et non de nous adresser uniquement à la seule catégorie des « conservateurs », d’ailleurs moins nombreuse dans notre pays qu’en Hongrie.
En définitive, le RN ne croit pas que l’opposition entre conservatisme et libéralisme soit une grille de lecture pertinente pour comprendre la réalité du monde d’aujourd’hui. La démocratie libérale est un précieux legs, conquis de haute lutte par nos ancêtres, auquel nous entendons rester fidèles. L’opposition qui doit capter notre attention et mobiliser nos énergies est celle, beaucoup plus réelle, qui voit s’affronter le mondialisme ultra-libéral, qui veut détruire la démocratie libérale, et le nationalisme, qui veut la sauver.
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